Les techniques d'irrigation agricole

Les techniques d’irrigation agricole sont des méthodes pour apporter de l’eau aux cultures et sont classifiées en irrigation de surface, irrigation par aspersion et micro irrigation. Décider de sélectionner une technique d’irrigation ou de passer à une technique plus efficiente est compliqué. D’un point de vue de la préservation de l’eau, le choix est simple, les économies en eaux augmentent lorsque l’on passe de l’irrigation de surface à l’aspersion et de l’aspersion à la micro irrigation. Cependant, le succès d’une technique d’irrigation sera très dépendant du site, de facteurs de situation ainsi que du niveau de gestion utilisé. La technique d’irrigation existante doit être évaluée très précisément avant de passer à une autre technique. 

 

 

Les systèmes d’irrigation de surface

Les systèmes d’irrigation de surface sont classés dans l’ordre croissant de leur efficience en

irrigation par ruissellement

irrigation par planches

irrigation à la raie

irrigation par bassins

 

Les deux caractéristiques qui distinguent l’irrigation de surface des autres techniques d’irrigation sont que l’eau s’écoule librement sous l’action de la gravité et que les moyens sur le terrain de transport et de distribution sont la surface du champ (Walker, 1989).  

 

Irrigation par ruissellement

L’eau d’irrigation est apportée par ruissellement à partir des fossés du champ sans vrai contrôle par des digues ou par d’autres méthodes limitant le mouvement de l’eau (Schwab et al 1993). Cette façon de faire est souvent comparée à une inondation sauvage. Bien que ces méthodes soient intéressantes pour leur faible coût initial et pour le travail demandé, elles ne le sont pas pour leur faible efficience et leur faible uniformité. Cette méthode est généralement utilisée sur les terrains vallonnés lorsqu’il n’est pas possible d’implanter des planches, des bassins ou des raies et où l’eau à apporter est suffisante.

 

Irrigation par planches

L’irrigation par planches est l’apport d’eau sur des longues parcelles en pente et rectangulaire avec des conditions de drainage à l’extrémité basse du champ. Les planches sont disposées dans le sens de la plus grande pente, 30 à 65 pieds de large, 300 à 1300 pieds de long avec de petites levées de terre entre les bandes pour canaliser l’eau durant l’irrigation (Schwab et al., 1993). Le terrain entre les planches doit être nivelé perpendiculairement à la direction de l’eau. L’irrigation par planche convient très bien pour la plupart des types de cultures et de sol  mais elle est favorisée par les sols ayant une vitesse d’infiltration lente et les cultures qui tolèrent un flaquage prolongé. Dans le Colorado, l’irrigation par bassin est principalement utilisée sur des cultures denses comme la luzerne, l’herbe et les céréales basses mais pas sur les cultures en ligne.

 

Irrigation à la raie

Alors qu’avec les autres techniques d’irrigation de surface l’eau recouvre la totalité de la parcelle, l’irrigation à la raie ne couvre qu’un cinquième ou la moitié de la surface. Les raies dont la taille varie, peuvent être placées dans le sens de la pente ou selon les courbes de niveau. De petits sillons peu profonds, appelés corrugations, sont typiquement utilisés pour les cultures denses telles que les céréales basses et la luzerne. Les raies plus larges et plus profondes conviennent pour les cultures en ligne comme le maïs.

Par rapport aux autres techniques d’irrigation de surface, l’irrigation à la raie permet, sur l’exploitation, de gérer l’eau avec plus de flexibilité. Le débit unitaire est considérablement réduit et cette technique peut être pratiquée avec des pentes allant jusqu’à 12% si les raies sont placées selon les courbes de niveau avec un débit dimensionné pour être non érosif. Si les raies ne sont pas disposées selon les courbes de niveau, la pente maximale recommandée est de 3% ou moins. Avec cette technique d’irrigation, la surface mouillée plus petite diminue les pertes par évaporation. Les raies offrent plus de possibilités à l’irrigant de gérer de façon plus efficace les irrigations lorsque, en cours de saison, les conditions sur la parcelle varient. Cependant, l’irrigation à la raie n’est pas toujours efficiente et un ruissellement important peut se produire si un débit d’entrée constant est maintenu pendant l’arrosage. Différentes méthode, telles que l’arrosage à deux débits ou l’irrigation par vague peuvent être utilisées pour réduire le ruissellement.  

 

Irrigation par bassins

Les bassins sont généralement de forme rectangulaire, nivelés et entourés par une digue pour éviter le ruissellement. La mise en eau des bassins est généralement ni dirigée, ni contrôlée et elle peut être efficiente si un débit important est disponible pour recouvrir rapidement la parcelle (Schwab et al., 1993). Quelques cultures et types de sol ne se prêtent pas à l’irrigation par bassins et elle convient mieux aux sols peu filtrants et aux cultures denses à enracinement profond (Walker 1989). Le nivellement du terrain est très important pour obtenir une uniformité et une efficience élevées pour toutes les techniques d’irrigation de surface.

 

L’irrigation par aspersion

 

L’irrigation par aspersion est un moyen polyvalent pour arroser n’importe quels types de cultures, de sols et de topographies (Schwab et al., 1993). Elle peut être efficiente dans des conditions de sols ou de topographies pour lesquelles les méthodes d’irrigation de surface ne le sont pas. En général les systèmes sont définis selon le type de déplacement des rampes sur lesquelles sont fixés différents types d’asperseurs. Les rampes sont fixes ou mobiles. Dans ce dernier cas elles sont déplacées manuellement ou mécaniquement. L’irrigation par aspersion a une efficience élevée mais pose des problèmes dus aux exigences en main d’œuvre et aux coûts d’investissement.

Les rampes déplacées manuellement nécessitent les investissements les plus faibles mais un besoins en main-d’œuvre très élevé. Ce système ne peut être utilisé que sur les cultures à faible développement.  

Les rampes de type side-roll utilisent la canalisation d’irrigation comme axe pour des roues de grand diamètre séparées les unes des autres de 40 pieds. Entrainées par un moteur thermique, elles nécessitent ainsi moins de travail que lors d’un déplacement manuel. Ce système doit être utilisés sur des cultures qui n’interférent pas avec le déplacement de la rampe ou avec le fonctionnement des asperseurs.

 

Un pivot est constitué par une canalisation tournant autour d’un point pivot central sous l’action de la pression d’eau, de moteurs électriques ou de moteurs hydrauliques à huile  (Schwab et al., 1993).

Différents types de buses, à différentes hauteurs et avec différentes pluviométries peuvent être utilisés sur les pivots. Pour avoir la meilleure efficience possible, le choix des asperseurs doit correspondre aux conditions de sol. 

Les rampes frontales utilisent des structures semblables à celles des pivots mais dans le champ elles se déplacent parallèlement à elles-mêmes. Dans le cas de la couverture intégrale les asperseurs sont installés sur l’ensemble de la parcelle et tous ou seulement quelques uns fonctionnent en même temps.

Les pivots correspondent au système d’aspersion le plus communément utilisé dans les High Plains au Colorado. Les asperseurs utilisés vont des anciens asperseurs à batteur aux sprays plus modernes avec un grand nombre d’applications et de positionnements (Howell 2003).

 

Les systèmes de micro-irrigation

La micro-irrigation est une technique d’irrigation apportant l’eau sur le sol lentement, avec une fréquence élevée, une pression de fonctionnement et des débits faibles et contrôlés (Schwab et al ., 1993). Correctement conçue, une installation de micro-irrigation permet d’augmenter les rendements et de diminuer les besoins en eau, en fertilisants et en main-d’œuvre. La micro-irrigation comprend : les micro-asperseurs, le goutte à goutte et l’irrigation goutte à goutte enterrée (SDI).

Les micro-asperseurs comprenant, les minidiffuseurs, les micro-diffuseurs et les brumisseurs correspondent à des petits distributeurs placés sur de petits tubes allonge au dessus de la surface du sol. L’eau projetée dans l’air parcourt une faible distance avant d’atteindre le sol. Avec cette technique, la faible surface mouillée par le distributeur est contrôlée aisément avec exactitude et peut présenter différentes formes correspondant aux types d’arrosage choisis. Les installations d’irrigation par micro-asperseurs permettent de pratiquer la lutte antigel, d’avoir une plus grande flexibilité lors des arrosages et une sensibilité plus faible au colmatage.

Les systèmes goutte à goutte apporte l’eau directement sur ou dans le sol (SDI) et ne mouillent qu’une partie seulement du sol. Ils présentent des avantages car l’eau est apportée directement ou juste à coté de la zone racinaire des plantes minimisant ainsi les pertes par percolation et réduisant ou supprimant la surface mouillée permettant à l’eau de s’évaporer et éliminant les pertes par ruissellement. Ils réduisent également l’utilisation de l’eau par les mauvaises herbes et fonctionnent à très faible pression. Les systèmes de micro-irrigation arrosent selon une fréquence élevée créant ainsi dans le sol des conditions d’humidité optimales pour la plante. Avec une gestion appropriée, la micro-irrigation économise de l’eau car celle-ci est apportée en faible quantité uniquement dans la zone racinaire ce qui évite les pertes par percolation profondes, l’utilisation de l’eau par des adventices ou l’évaporation à partir de la surface du sol. De plus, tout en étant très efficiente une installation d’irrigation goutte à goutte bien conçue demande peu de main d’œuvre. On constate également un accroissement des rendements des cultures car le niveau élevé, temporaire, de l’humidité du sol, nécessaire pour satisfaire les besoins en transpiration de la plante, est maintenu  (Colaizzi et al, 2003).

 

Tableau 1. Valeur en % de l’efficience au champ

Systèmes d’irrigation

Efficience au champ (en % )

Systèmes d’irrigation de surface

Irrigation à la raie (inclinée)

50-80

Avec réutilisation des eaux en aval

60-90

Irrigation à la raie (horizontale)

65-95

Irrigation par planche

50-80

Bassins plats

80-95

Aspersion (sauf pivots)

Aspersion avec déplacement

60-85

Side Roll

60-85

Canon déplaçable

55-75

Rampes Frontale

 

Sprays (alimentation par tuyau)

75-95

Sprays (alimentation par canal)

75-95

Pivots

Asperseurs à batteur avec canon d’extrémité

75-90

Spray sans canon d’extrémité

75-95

Système LEPA sans canon d’extrémité

80-95

Systèmes de micro irrigation

Goutte à goutte de surface

70-95

Goutte à goutte enterré (SDI)

75-95

Micro asperseurs

 

Source : Howell (2002)

70-95

 

Les principaux inconvénients de la micro-irrigation sont des coûts initiaux élevés et les risques de bouchage du système, tout particulièrement les distributeurs. Dans certains cas, le travail peut être très important lors de la détérioration de certains composants de l’installation par les rongeurs. Une bonne conception, une bonne exploitation et une maintenance suivie peuvent supprimer beaucoup de ces problèmes. L’irrigation goutte à goutte enterrée s’est beaucoup développé dans les High Plains du Colorado.

 

Efficience des systèmes d’irrigation.

 

Il existe de plusieurs termes pour décrire l’efficience des performances d’un système d’irrigation. L’efficience au champ ou lors des apports est définie par :

 

Ef =100 Ws / Wd

Ws = eau stockée dans le sol au niveau de la zone racinaire lors de l’irrigation

Wd  = eau apportée sur le champ lors de l’irrigation.

 

La différence entre l’eau stockée dans la zone racinaire Ws  et la quantité d’eau apportée sur la parcelle est l’eau perdue par percolation profonde, ruissellement ou évaporation. Plus spécialement, l’efficience au champ prend en compte toutes les pertes par évaporation ou ruissellement à partir de la surface des canaux ou des raies, toutes les fuites des asperseurs ou des canalisations goutte à goutte, la percolation au-delà de la zone racinaire, l’eau des asperseurs entrainée par le vent, l’évaporations des fines gouttes dans l’air et le ruissellement hors du champ (Howell, 2002). Pour plus d’informations sur les différents composants des pertes d’eau pour l’irrigation de surface, l’aspersion et la micro irrigation voir Roger et al. (1997). Les quantités et les types de pertes d’eau qui apparaissent dans le transfert de l’eau entre la source et l’endroit ou l’eau est effectivement utilisée dépendent grandement du mode d’irrigation et du système d’apport d’eau utilisé. Le tableau 1 et la figure 4 montrent les efficiences potentielles au champ pour les différents systèmes de distribution.

 

Les différences entre les efficiences des différents systèmes d’irrigation résulte de variations dans le ruissellement, les percolations profondes et parfois l’évaporation. Mais la différence ne résulte pas de modifications dans la quantité d’eau consommée par la plante (transpiration). Par exemple le passage d’un arrosage à la raie avec une efficience de 65% à un système d’irrigation goutte à goutte enterré performant, de 90% d’efficience, entrainera des économies d’eau de 25%. Ceci résulte essentiellement d’une diminution de la percolation de l’eau en profondeur et du ruissellement, deux éléments très importants dans le cas de l’irrigation à la raie. L’irrigation goutte à goutte enterrée diminue également l’évaporation car, par rapport l’irrigation à la raie, l’eau est apportée en dessous de la surface du sol qui ainsi reste sèche. Mais dans les deux cas, il n’y a pas de différence sur les quantités d’eau consommées pour le développement de la plante. E, la composante évaporation de l’ET (Evapotranspiration) peut changer mais pas T, la composante transpiration.

 

Lorsque l’on décide de changer de méthode d’irrigation, les économies d’eau que l’on peut espérer sont égales à la différence entre les valeurs de l’efficience au champ pour les deux techniques. Augmenter l’efficience au champ de 10% réduira la quantité d’eau nécessaire pour obtenir les mêmes rendements qu’avec la méthode initiale de 10%  si le nouveau système fonctionne correctement. C’est en fin de compte la qualité de la conception de l’installation, sa gestion et sa maintenance qui détermineront le niveau d’efficience effectif. Ces éléments sont particulièrement importants lorsqu’un agriculteur choisi de changer sa méthode d’irrigation actuelle pour une technique plus économe en eau.

 

 

Comparaison des méthodes d’irrigation

 

Le passage de l’irrigation de surface à l’aspersion est l’une des conversions les plus répandues pour économiser l’eau (Yonts 2002). Les raisons de cette conversion résident dans le fait que les techniques d’irrigation de surface sont intrinsèquement moins efficientes et demandent plus de travail que l’irrigation par aspersion. Cependant avant de faire cette conversion, différents facteurs doivent être pris en compte : les effets sur les rendements, les économies d’eau, de main d’œuvre, d’énergie, l’aspect économique, les conditions climatiques et les caractéristiques du champ. Pour plus d’informations concernant le passage de l’irrigation de surface à l’aspersion voir les références suivantes :  Yonts (2002), O’Brien et Lamm (1999), Heermann (1992), Hermann (1991), O’Brien et Lamm (2000), et Rogers (1991). Pour plus d’information concernant le passage de l’irrigation par aspersion au goutte à goutte enterré, voir les références suivantes : Lamm et al. (2003) et O’Brien et al. (1998).

 

Pour choisir une méthode d’irrigation, l’agriculteur doit connaître les avantages et les inconvénients des différentes méthodes. Malheureusement dans bien des cas, il n’existe pas une unique bonne solution car toutes les méthodes ont leurs avantages et leurs inconvénients (Brouwner et al.). Le tableau 2 présente une comparaison des différentes méthodes d’irrigation en fonction du site et des facteurs de situation (adapté de Schwab et al., 1993). Il présente également les avantages et les inconvénients d’une technique d’irrigation par rapport à une autre. Tous ces éléments doivent être pris en compte avant d’effectuer la conversion vers une technique plus efficiente. Si un système d’irrigation n’est pas particulièrement bien adapté à une situation donnée, il peut ne pas être plus efficient ou ne pas économiser plus d’eau que la méthode d’irrigation initiale.  

 

Les économies d'eau que l'on peut espérer en passant d'une méthode d'irrigation à une autre sont égales à la différence entre les valeurs des efficiences au champ pour ces deux méthodes.