Un jardin sur… le toit

La végétalisation des toitures-terrasses remonte aux prémices de l’histoire, avec les jardins suspendus de Babylone. Aujourd’hui, les techniques sont maîtrisées, les apports de plus en plus reconnus et attendus. À l’image de l’Allemagne, on aimerait que l’enverdissement des bâtiments se développe en France, pour le bien de tout un chacun. État de l’art et perspectives.

 

Depuis trente ans environ, on plante les toits-terrasses des bâtiments mais, aujourd'hui plus que jamais, la végétalisation du bâtiment remplit des fonctions variées et nombreuses, en réponse à des enjeux multiples et cruciaux :
• protéger le bâtiment et accroître la durée de vie des revêtements et des matériaux de couverture (l’étan­chéité par exemple) ;
• participer au confort de vie à l'intérieur des bâtiments (acoustique et thermique) ;
• contribuer au confort de la vie en zone urbaine dense (diminution des îlots de chaleur grâce à l’évapo­transpiration, lutte contre la pollution) ;
• contribuer à la gestion des eaux pluviales (limitation des engorgements des réseaux grâce à la rétention temporaire d’eau en toiture) de façon naturelle et économique ;
• contribuer au maintien et au développement de la biodiversité en milieu urbain en s’inscrivant dans la trame verte ;
• contribuer à la vie de la cité, économiquement (pour les locavores) ou socialement (en créant du lien) en accueillant des activités de production potagères.
 
 

Il était une fois…

 
Les jardins de Babylone ou d’autres traditions accueillant le végétal en toiture ou sur les murs font figure de pionniers. Dans l’architecture du XXe siècle, la terrasse-jardin est progressivement devenue une des solutions permettant de conserver à la ville une relation avec la nature. Les éléments techniques qui constituent cette solution ont été améliorés à partir des années 1970, avec l’arrivée de membranes d’étan­chéité légères et résistantes à la pénétration racinaire, ainsi que de mélanges terreux allégés.
Au milieu des années 80, l’Allemagne fut à l’origine de la mise à jour d’une solution novatrice, dite « végétali­sation extensive des toitures ». C’est la prise en compte rapide par les pouvoirs publics (subventions au niveau des Länders et des villes notamment) et l’intégration de « l’esprit environnemental » dans la société allemande qui ont permis cette réussite remarquable.
En France, le concept de végétalisation extensive des toitures est apparu au début des années 90 et s’est accéléré au début des années 2000, porté par une technique de mieux en mieux maîtrisée et un souci d’inscrire les projets dans une démarche de développement durable.
 

Les systèmes de végétalisation en toitures

 
Un système de végétalisation de toiture est composé par un ensemble de matériaux et de végétaux mis en place sur une toiture. Sur l'élément porteur (béton, acier ou bois), dont on s’assure qu’il est à même de sup­porter les charges attendues, vient un revêtement d’étanchéité, résistant à la pénétration racinaire, indis­pensable à un fonctionnement durable de l’ensemble. Une isolation thermique spécifique, généralement placée sous le revêtement d'étanchéité, complète le complexe. Traditionnellement, la végétalisation de toiture est segmentée en trois grandes familles 
 

Les clefs de la réussite pour une toiture-terrasse végétalisée

 
L’architecte ou le bureau d’étude étudient en amont la faisabilité du projet, notamment en termes de charges admissibles. Une bonne prise en compte de la nature de l’élément porteur et du complexe isolation-étanchéité est fondamentale pour la conception de la toiture végétalisée. Ensuite, les différents éléments constitutifs de la végétalisation (drain, filtre, substrat, espèces végétales mais aussi irrigation) seront choisis en fonction des attentes et des possibilités offertes par l'ouvrage dans son environnement (climat, exposition, pente de la toiture, etc.). 
Concernant précisément la végétalisation extensive, la profession, via son association Adivet (lire l’encadré), s’est dotée de Règles professionnelles, publiant la 3e édition en 2018, afin de combler le vide des textes réglementaires et apporter des réponses précises aux différents cas de figure rencontrés.
 

Le maître mot pour une toiture végétalisée pérenne : l’entretien

 
Les toitures végétalisées extensives et semi-intensives doivent tendre vers un fonctionnement en écosystème, ce qui permet de réduire l'entretien de la végétation. Cependant, cet entretien, même très réduit, reste absolument indispensable pour garder la maîtrise du développement végétal.
L'entretien a pour objectif d'obtenir ou de conserver un taux de couverture végétale supérieur à 80 %, de maîtriser le développement d'espèces adventices, d'assurer le développement durable de la végétation choisie. Il consiste généralement au nettoyage des entrées d'eaux pluviales, à l'enlèvement des déchets apportés par le vent, à la remise en place de la couche de culture en cas de déplacement par le vent, au désherbage manuel des végétaux indésirables, à la reprise des zones dépourvues de végétation et à une fertilisation d'appoint selon examen in situ. Dans le cas spécifique de végétalisation à base de graminées, une opération de fauchage est également à prévoir. Pour les toitures équipées d'un réseau d'arrosage automatique, il faut prévoir la maintenance du système, l‘ajustement des paramètres d’arrosage et sa purge en hiver.
 

Arrosage automatique ou pas ?

 
Les règles professionnelles précisent que l’installation d’un point d’eau sur une toiture végétalisée est obligatoire. Toutes les toitures ne nécessitent pas un arrosage régulier, mais ce point d’eau s’avère particulièrement utile pour des arrosages ponctuels lors de la mise en place de la végétalisation ou lors d’épisodes de fortes chaleurs. 
Doit-on opter pour un point d’eau ou un système d’arrosage complet ?
Le choix de la pose ou non d’un système d’irrigation en toiture est fonction de plusieurs facteurs qu’il ne faut pas négliger, car une fois l’installation réalisée, il est extrêmement compliqué de revenir en arrière.
Le premier facteur est lié au type de végétalisation retenue :
• pour une végétalisation extensive, l’arrosage n’est pas obligatoire au-dessus d’une ligne communément admise partant de Lyon à Bordeaux ;
• pour une végétalisation semi-intensive à intensive, on considère qu’un système d’arrosage est obligatoire. 
Le second facteur est lié à la pente du toit : toutes les toitures présentant une pente supérieure à 20 % doivent être équipées d’un système d’arrosage automatique. La gravité faisant son œuvre, si le toit n’est pas équipé, le risque de voir les plantes dépérir augmente.
Le troisième concerne le choix de la palette végétale et du niveau esthétique attendu (toiture visible ou non, piétonne ou inaccessible). Si l’on s’oriente vers des végétaux autres que des sédums, les besoins en eau sont plus importants et l’installation d’un arrosage automatique devient indispensable.
Le dernier facteur à prendre en compte est bien entendu le climat et l’exposition du bâtiment. Au vu des dérèglements et des évolutions attendues, il est important de ne pas le sous-estimer. En effet, un rapport de Météo-France prévoit d’ici 2050, « une hausse des températures moyennes entre 0,6 et 1,3 ° C » ainsi qu’«une augmentation du nombre de jours de vagues de chaleur en été », de quoi s’intéresser dès à présent à l’évolution des palettes végétales et à la pertinence de la pose d’un système d’arrosage.

 

Quelles solutions d’arrosage sélectionner ?

 
Comme pour les espaces verts, les toitures végétalisées peuvent être arrosées de diverses manières qui vont là encore dépendre de plusieurs facteurs tels que la forme et la surface de la toiture végétalisée, la hauteur de substrat, le type de végétalisation (bacs pré-cultivés, caissettes, tapis, micro-mottes…), le débit et la pression disponible…
Les trois plus communes sont :
• L’aspersion. Fréquemment utilisée comme solution d’arrosage sur les premières toitures végé­talisées, la part de l’aspersion tend à diminuer. L’exposition au vent notamment disperse les goutte­lettes d’eau et les niveaux d’uniformité obtenus ne sont pas les meilleurs. Le point d’eau sur la toiture doit en outre être de dimension suffisante pour ne pas multiplier exagérément le nombre de réseau. Les buses rotatives restent la solution la plus judicieuse dans le cas d’un arrosage par aspersion. L’aspersion est également une solution assez économique.
• Le goutte-à-goutte. Le goutte-à-goutte de surface ou enterré est la principale solution utilisée à l’heure actuelle. Elle présente l’avantage principal de nécessiter un débit au m² assez faible (ex : 14,4 L/m² avec du goutte-à-goutte 1,6L/h espacé de 33cm et installé tous les 30cm ou 20,7L/m² pour du 2,3L/h). 
Le goutte-à-goutte est généralement déroulé directement sur la végétation qui peu à peu va masquer le tuyau. Il est fortement préconisé de réaliser un peigne pour l’alimentation des réseaux.
Pour une toiture piétonne ou bien lorsque l’esthétisme est un élément important, la solution du goutte-à-goutte enterré reste la plus pertinente.
• La natte d’arrosage. La natte se présente sous forme de rouleaux plus ou moins larges. Il s’agit d’un système de goutte-à-goutte (tuyau goutte-à-goutte classique ou gaine agricole) enchâssé au milieu de toile ou de feutre non-tissé. L’eau se diffuse dans la toile et est transférée au substrat par capillarité. Le point fort de cette solution réside dans le niveau d’uniformité d’arrosage qu’elle apporte. Son principal inconvénient reste son coût et la difficulté de mise en œuvre sur des toitures comportant un nombre important d’émergence. 
Quelle que soit la solution retenue, la mise en œuvre d’un système d’arrosage sur une toiture végétalisée nécessite une rigueur et une qualité de travail optimale, les faibles épaisseurs de substrat ne tolérant pas un arrosage mal conçu ou mal posé.
La bonne coordination, les échanges avec les autres corps de métier intervenant sur un bâtiment végétalisé sont également des éléments prépondérants à la réussite du projet : le lot plomberie qui amènera la source en eau sur le toit (combien de fois a-t-on vu un PER de 12 en toiture pour alimenter une toiture végétalisée de 300 m² !), le lot électricité à qui on demandera des réservations pour les passages de câble d’électrovannes, le lot étanchéité s’il est dissocié de la végétalisation pour le phasage des travaux…

 

Et la programmation ?

 
Pour la programmation, il est également important de faire les bons choix dès la genèse du projet. Programmateur sur secteur ou programmateur à pile ? 
Une question essentielle à se poser avant de choisir : qui aura la gestion de la toiture végétalisée ? En effet, on peut opter pour une programmation directement sur le toit ou installée en pied du bâtiment dans un local technique. Dans le premier cas, l’installation sera simple mais la maintenance plus complexe et inversement !
Les systèmes à pile sont simples à installer mais si le bâtiment est composé d’une multitude de toitures, le nombre de program­mateurs peut être important et leurs réglages néces­siter un temps d’intervention particuliè­rement long. Dans ce cas, un programmateur secteur sera plus adapté. On peut même envisager une program­mation à décodeurs pour les chantiers les plus complexes.
Tous les systèmes de programmation connectés permettent aujourd’hui d’ajuster au mieux les durées d’arrosage en fonction de la météo et ainsi de limiter la consommation d’eau.
 

En conclusion

 
La végétalisation des bâtiments a depuis de nombreuses années démontré ses bénéfices économiques, écologi­ques, énergétiques… Nombre d’études continuent à être menées au niveau mondial : Université du Québec, Univer­sité Catholique de Lille, Université de Tokyo, Université de Madrid... L’EFB (European Federation of Green Roof Association) estime que chaque citadin devrait bénéficier d’au minimum 5 m² de toiture ou de mur végétalisé d’ici à 2030, cela équivaudrait à une surface végétalisée d’environ 1,82 milliard de m² ! 
Côté français, l’ADIVET estime le marché à 1,6 millions de m² de toitures végétalisées créées chaque année et il tend à se développer grâce à l’adoption de nouvelles lois (loi biodiversité de 2016 qui impose la pose d’une végétalisation ou de panneaux solaires sur tous les nouveaux bâtiments commer­ciaux de plus de 1000 m²) ou la mise en place de PLU (Plans Locaux d’Urbanisme) spécifiques sur certaines communes.
L’arrosage a donc de beaux jours devant lui pour peu que les projets soient étudiés et conduits dans les règles de l’art.
 
L’Adivet, l’association dédiée à la toiture et la façade végétale
L’Adivet regroupe les acteurs essentiels de la filière végétalisation de toitures et des façades : fabricants de composants et de systèmes, entrepreneurs du bâtiment et du paysage, groupements professionnels, maîtres d'œuvre et maîtres d'ouvrage, organismes de formation et recherche, bureaux d'études… L’ensemble de ses actions menées depuis plus de quinze ans a contribué à un essor sans précédent des toitures végétalisées en France, avec plus de 10 millions de mètres carrés réalisés.
Interlocuteur des pouvoirs publics, des acteurs du secteur du bâtiment et du paysage, l’Adivet a coédité les Règles professionnelles pour les toitures et terrasses végétalisées et produit les premières Recommandations techniques de l’agriculture urbaine en toiture.